L’usage du mot « institution » s’est restreint au point de ne plus désigner que les institutions de la puissance publique, occultant ainsi une réalité beaucoup plus large que constituent les coutumes, les rites, le langage, en un mot tout ce qui s’établit entre les hommes ou qui est établi par eux, sans exclure l’ensemble des structures fondamentales de l’organisation sociale, avec leurs règles écrites, orales ou tacites. Cette « autre » dimension institutionnelle de la société est aujourd’hui le plus souvent négligée, laissée à l’abandon, voire ravalée au rang de touchantes curiosités ou de divertissements folkloriques.
   L’obsolescence de certaines institutions est une chose, leur disparition ou leur réification en est une autre. En effet, bon nombre de ces institutions qui faisaient « lien social », ou disparaissent sans se renouveler, ou s’étiolent, asphyxiées par le primat des sciences de l’organisation et de la gestion, ou bien enfin se diluent dans une dérive marchande qui en occulte le sens interne comme le symbolique : les cadeaux de Noël, les nouveaux modes alimentaires, la consommation culturelle, etc., en donnent des illustrations singulières.
   Ce constat ne laisse pas indifférents les fondateurs et les membres de la Caravane : ils font l’hypothèse que la perspective de relations collectives basées sur la plate utilité n’est ni souhaitable ni tenable pour aucune société humaine, que négliger socialement le questionnement institutionnel est aussi désastreux pour nos vies individuelles que pour notre existence collective. Ce délaissement-là n’est assurément pas étranger au malaise général que nous pouvons percevoir aujourd’hui.
   Inventer des institutions, c’est bien, à distance autant de leur préservation immuable que de leur soumission à l’efficacité moderne, tenir pour essentiel la vitalité des pratiques institutionnelles.

Créée sous forme associative en mars 2006, La Caravane d’inventions institutionnelles se propose, en tant que plate-forme de recherche et de création, d’inventer d’autres institutions que celles qui s’emploient à dominer le cours de nos existences par les arts du management ou de la gestion. Elle se propose tout autant d’en réinterroger ou d’en renouveler de plus anciennes. Elle concentre ses explorations et ses activités (missions, études, interventions ponctuelles ou prolongées, créations) sur les formes d’organisations, les mœurs et les rites fondamentaux de la société.


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